Soutra Du Reflet Dans Le Miroir

Voici ce que j’ai entendu, à l’époque où le Très Vénérable Mahāmoggallāna résidait au Parc des Cerfs parmi les personnes appartenant au peuple Bhagga. Ce jour-là, le Très Vénérable appela les bhikkhus : « Mes chers frères dans le Dharma ! »

«Oui, nous sommes là, cher grand frère » lui répondirent-ils.

Le Vénérable Mahāmoggallāna dit : « Mes amis, si un bhikkhu demande à d’autres bhikkhus : « Mes chers amis, parlez-moi, je vous prie. Ayez de la compassion pour me parler. » S’il est difficile de lui parler, s’il a un caractère qui empêche les autres de lui parler, s’il est impatient et fermé, s’il accepte mal les critiques constructives, les conseils et les instructions de ses amis sages dans la pratique, ceux-ci pourront penser qu’ils ne peuvent pas communiquer avec lui, l’instruire et lui faire confiance. Mes amis, quels sont les traits de caractère d’un bhikkhu qui font que les autres le perçoivent comme quelqu’un à qui il est difficile de parler ? 

« Mes chers frères, si un bhikkhu a des désirs et se laisse emporter par eux, cela justifie les difficultés de ses camarades à lui adresser la parole. D’autres raisons peuvent le rendre difficilement abordable :

  • il se vante constamment tout en dévalorisant les autres ; 
  • il se met facilement en colère et se laisse affecter par celle-ci ; puis à cause de la colère, il devient rancunier ; ou bien rancunier, il devient grincheux, proférant des paroles irritantes ; 
  • il critique, accuse, méprise ou questionne l’ami qui lui a fait remarquer son erreur, élude la réponse en questionnant en retour son ami, répond à côté de ce qui lui est demandé ou manifeste son mécontentement, son irritation et sa colère ; 
  • il est incapable de justifier ses erreurs quand on le lui demande ; 
  • il est grossier et il a de mauvaises intentions ; 
  • il est jaloux, avide, rusé, trompeur, têtu ou arrogant ; 
  • ou il se comporte comme une personne qui ne pratique pas la Voie, s’attache à ce qui est mondain et ne lâche pas prise… 

Chers amis, telles sont les habitudes qui poussent le bhikkhu à s’exclure et qui empêchent ses amis de lui parler.

« Mes amis, supposons qu’un bhikkhu demande aux autres : « Parlez-moi, s’il vous plaît. Ayez de la compassion pour me parler, mes chers amis. » Si ce bhikkhu est d’un abord facile, s’il a des qualités qui permettent aux autres de lui parler facilement, s’il est patient, ouvert, réceptif aux critiques, aux conseils et aux instructions de ses camarades dans la pratique, ceux-ci penseront alors qu’il leur est aisé de l’aborder, de lui donner des conseils et d’avoir confiance en lui. 

« Mes chers compagnons de pratique, quels sont les aspects du caractère d’un bhikkhu qui font que les autres le perçoivent comme quelqu’un de facile à aborder et à qui parler ? 

« Chers amis, si un bhikkhu ne s’attache pas et ne se laisse emporter par des désirs, ceci est une qualité qui permet à ses amis de venir vers lui et de lui parler facilement. Et voici encore d’autres qualités :

  • Il ne se vante pas et ne dévalorise pas les autres ; 
  • il ne se met pas facilement en colère et ne se laisse pas affecter par celle-ci. Puisqu’il n’est pas en colère, il ne garde pas de rancune. Sans rancune, il n’est pas de mauvaise humeur et ne prononce pas de paroles irritantes ; 
  • à son tour, il ne critique, ni n’accuse ni ne méprise celui qui lui a fait remarquer son erreur ;
  • il ne questionne pas en retour, ne se dérobe pas en posant d’autres questions et ne répond pas à côté à celui qui lui a montré son erreur ;
  • il ne manifeste pas son mécontentement, son irritation ou sa colère ; 
  • il justifie ses erreurs auprès de la personne qui le lui a demandé ; 
  • il n’est pas grossier et n’a aucune mauvaise intention ; 
  • il n’est pas jaloux, avide, rusé, trompeur, têtu ou arrogant ; 
  • il se comporte comme un moine, ne s’attache pas aux choses mondaines et a la capacité de lâcher prise…

« Chers amis, ce sont les qualités d’un bhikkhu qui font que les autres le perçoivent comme quelqu’un vers qui l’on peut aller et avec qui on peut parler facilement.

  « Mes chers frères, un bhikkhu devrait s’observer à travers le comportement d’un autre moine de la manière suivante : « Parce que cette personne a des désirs et se laisse emporter par eux, je la trouve désagréable et ne l’aime point. Il en va de même pour moi, si j’ai des désirs et me laisse emporter par eux, les autres me trouveront désagréable et ne m’aimeront pas. » Mes chers frères, en comprenant clairement ceci, nous devrions prendre la décision suivante : je suis déterminé à ne pas m’attacher aux désirs et à ne pas me laisser emporter par eux. Ceci est vrai pour les autres cas et il nous faut suivre la même pratique telle que ne pas nous vanter en dévalorisant les autres, ni nous mettre en colère, ni nous laisser affecter par celle-ci, etc.

« Mes chers amis, nous devrions réfléchir sur nous-mêmes en observant un autre bhikkhu, en contemplant comme ceci : « Ai-je en cet instant des désirs en moi et suis-je entraîné par eux ? » Si en nous observant, nous nous apercevons qu’en cet instant, nous avons des désirs en nous et que nous nous laissons entraîner par eux, nous devons donc pratiquer avec diligence afin de mettre fin à cette formation mentale négative. Et si, en nous observant nous-mêmes, nous constatons qu’en cet instant, nous n’avons pas de désir en nous et qu’aucun désir ne nous emporte, vivons heureux tout en sachant qu’il nous faut continuer à pratiquer avec diligence afin de nourrir de belles formations mentales en nous. Ceci est vrai pour les autres cas et il nous faut suivre la même pratique telle que ne pas nous vanter en dévalorisant les autres, ni nous mettre en colère, ni nous laisser affecter par celle-ci, etc.

« Mes chers amis, si pendant notre contemplation, nous voyons clairement que les formations mentales négatives en nous ne sont pas encore transformées, nous devrions mettre toute notre énergie dans la pratique afin d’y mettre fin. En revanche, si avec notre regard profond, nous voyons clairement que les formations mentales négatives en nous sont déjà finies, soyons heureux, tout en sachant qu’il nous faut continuer à pratiquer avec diligence afin de nourrir davantage nos belles formations mentales.

« Mes chers frères, tout comme un jeune homme ou une jeune fille qui aime encore se faire beau ou belle, qui se regarde souvent dans un miroir très propre et très clair ou dans un bol d’eau parfaitement limpide, si cette personne voit une tache sur sa figure, elle la nettoiera. Et si elle n’en voit aucune, elle sera contente et se dira : « C’est très bien, mon visage est très propre. » Mes chers frères, de la même manière, si pendant notre réflexion, nous constatons que nos formations mentales négatives sont encore présentes en nous, nous pratiquerons avec diligence afin de les transformer complètement. Et si, pendant notre observation, nous nous apercevons du contraire, vivons dans la joie tout en nous souvenant qu’il nous faut pratiquer de tout cœur afin de cultiver davantage ces bonnes formations mentales. »

Ainsi parla le Vénérable Mahāmoggallāna. Les bhikkhus reçurent ses paroles avec joie et confiance.